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Le testament de Jean-Jacques Rousseau 69

ont parlé. (*) L’ouvrage dont la déclaration citée est la dernière partie porte le titre suivant:

LE TESTAMENT

de

JEAN-JACQUES ROUSSEAU.

Qui notus nimis omnibus Ignotus moritur sîbi.

M. DCC. LXXI.

Je n’ai trouvé cet opuscule de soixante-deux pages in 8° qu’à la Bibliothèque royale de Berlin. L’auteur y imite de la façon la plus parfaite le langage des testateurs dans leurs dernières volontés. Il y cache, sous une simplicité admirable, le plus profond et la plus spirituel commentaire de ses œuvres; et, en jugeant les hommes et les choses, il manifeste cette urbanité classique qui caractérise son génie même dans l’ironie, dans la plaisanterie et dans la satire. Le tout respire la paix du cœur et la résignation.

Obtempérant enfin aux exhortations de son ami Saint-Germain, Rousseau remit sa justification aux honnêtes gens sinon du siècle, au moins de la postérité, et principalement à ses écrits. Pour ce qui est de ces derniers, il croit devoir exposer à ses lecteurs leur caractère et leur but véritables. À cette fin il parle dans Le Testament successivement de son premier et de son second discours, du Contrat Social, de la Nouvelle Helo’ise, d’Emile et des Lettres écrites de la Montagne. Jamais par exemple on n’a relevé si bien le point essentiel du Contrat Social que l’auteur ne l’a fait dans son Testament; et aucun autre que lui même n’aurait su expliquer si parfaitement pourquoi il ne s’est pas étendu, dans ce livre, sur le gouvernement de l’Angleterre.

Pour s’assurer un asile en France, Rousseau avait fait remettre au ministe d’État, duc de Choiseul, la promesse de ne faire paraître aucun de ses ouvrages sans son consentement. Cet homme puissant étant tombé en disgrâce, perdit son poste le 34 décembre 1770. Néanmois, dans l’hiver 1771 à 1772, Rousseau s’adressa à lui par l’entremise de ses connaissances afin qu’il lui rendît sa parole, et le duc obtempéra à son désir

(•) Il n’est pad impossible que le titre de cet ouvrage Lt Tistavunt etc. ait rebuté alors tout le monde. Au dix-huitième siècle des charlatans liltiraiies et politiques ont fabriqué noinbie de soi-disant Testaments des grands princes ou des illustres hommes d’État. Plus tard le public s’aperçut avoir été la dupe de ces productions, et en devin! pins roéfiani. Des satires même, qui portaient ce titre, cessèrent de réusùr. C’est ce qui est arrivé en 1 762 au Testament de M. de Voltaire, trouvé parmi ses papiers aprh sa mert, et dans l’hiver 1770 à 1771 au Testament politique de M. de Voltaire, qui n’était rien autre qu’une amplification de la facétie de 1762. Des plùsanCeries de cette fagoii avaient peut-être encore du succès au Marais, mais elles restaient absolument ignorées >dans le quartier du Palai.’; Royal et dans le Faubourg Saint -Germain.» (Correspondance Htliraire etc. par Grimm, Diderot etc. Paris, Caraier Frères V. 51 et IX. 241.)