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Seconde rédaction définitive de la première partie e

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qu’on me peigne sous des traits qui ne furent pas les miens .... j’aime mieux qu’on me connaisse avec tous mes défauts et que ce soit moi-même, qu’aide des qualités controuvées, sous un personnage qui m’est étranger, ( (94) Aujourd’hui nous lisons dans les Confessions: »Piiisqne enfin mon nom doit vivre, je dois tâcher de transmettre avec lui le souvenir de l’homme infortuné qui le porta, qu’il fut réellement et non tel que d’injustes ennemis travaillent sans relâche à le peindre. « (95) L’auteur qualifia enfin ses Confessions de ïseu! monument sûr de son caractère qui n’ait pas été défiguré par ses ennemis», (çâ) S’il était autrefois trop sûr d’avoir moins à gagner qu’à perdre à se montrer tel qu’il était*, (97) dans la rédaction définitive de son ouvrage il dit au contraire:

>Je savais . . . que malgré le mal dont je ne voulais rien taire je ne pouvais que gagner encore à me montrer tel que j’étais.» Immédiament avant ce passage il déclare lui-même: «Je sentais, moi qui me suis cru toujours, et qui me crois encore, à tout prendre, le meilleur des hommes.» (98)

Les Confessions imprimées renferment beaucoup de choses odieuses ; mais, dans la première rédaction de l’histoire de la jeunesse de l’auteur, on trouvait jusqu’à des passages qui ne ressemblaient que trop à un aveu formel des crimes dont ses ennemis l’accusaient et dont, en 1766, ils failhrent réussira persuader le public. Vis-à-vis des ennemis qui te ditfamaient comme un scélérat, un monstre du genre humain, Rousseau devait supprimer des passages tels que les suivants: ^Cent fois j’ai cru l’entendre (la pauvre Marion de Turin) me dire au fond de mon

cœur; Tu fais l’honnête homme, et tu n’est qu’un scélérat «

»Si je connaissais quelqu’un qui en eût fait une pareille (action atroce dont Rousseau s’accuse contre Marion) dans toutes ses circonstances , je sens qu’il me serait impossible de ne pas le prendre en horreur.* .... »Le temps efface tous les autres sentimens, mais il aigrit le remords et le rends plus insuppor- table, surtout quand on est malheureux, qu’on se dit qu’on mé- rite de l’être et qu’au lieu de trouver en soi la consolation qu’on y cherche on n’y trouve qu’un nouveau tourment.’ (99)

On comprendra maintenant pourquoi l’auteur a omis ces articles dans les Confessions, et pourquoi, à mesure qu’il enlevait les ombres de son propre portrait, il les transportait sur celui de ses ennemis. On ne saurait nier qu’ainsi le l’éritable caractère d’une confession n’ait été altéré dans les Confessions. A-t-on le devoir

(94) Ib. p. II.

(95) Oiuvrts cempl. Conf. VIll. 285.

(96) Félix Bovet, Fragm. p. 4.

(97) Streekeisen-Moullou. Oeuvres et coït. mid. p. 289. — Voyei «ncore Félix Bovel, Fragm. p. II.

(98) Oeuvres comf1. Conf, VIU. 371.

(99) Félix Bovet, Fragm. inid. p, 5. 6.