Page:Rousseau - Du Contrat social éd. Beaulavon 1903.djvu/55

Cette page n’a pas encore été corrigée

INTRODUCTION 4$

limites établies par la loi. Et personne n'a intérêt à resserrer ces limites au-delà du nécessaire, puisque l'activité de chacun doit nécessairement être bornée par elles. L'égalité de tous devant la loi est donc la garantie de la liberté civile.

Ainsi la liberté, selon Rousseau, se ramène en fait à une double égalité, l'égalité politique et l'égalité civile. Un peuple libre, c'est un peuple où tous commandent mais où chacun n'obéit qu'à tous. Est-ce là une liberté véritable et dont nous puissions nous contenter ?

Benjamin Constant, qui mérite, bien plus encore que Montesquieu, d'être regardé comme le père de la doc- trine qui s'intitule aujourd'hui le libéralisme, reproche à Rousseau d'avoir transporté a dans nos temps modernes une étendue de pouvoir social, de souveraineté collec- tive qui appartenait à d'autres siècles », et à la « liberté des anciens » qui consistait dans « le partage du pou- voir social entre tous les citoyens d'une même patrie », il. oppose la conception des modernes, qui ont pour but « la sécurité dans les jouissances privées et nomment liberté les garanties accordées par les institutions à ces jouissances (*) ». 11 est certain qu'une telle formule contraste étrangement avec le style plus haut du citoyen de Genève et qu'il n'y aurait pas reconnu la « fière et sainte liberté ( 2 ) » qu'il voulait établir dans sa répu- blique. Mais la question est de savoir si en effet Rousseau a sacrifié la liberté civile des modernes à la liberté politique des anciens, et si, en fondant la première sur la seconde, il a, involontairement mais nécessaire- ment, détruit la première.

Bien au contraire, Rousseau me paraît avoir irréfu- tablement démontré que la liberté civile ne peut avoir

(M Benjamin Constant, de la liberté des anciens comparée à celle des modernes (discours prononcé en 1819), t. II, p. 537 et suiv.

( 2 ) Consid. sur' le gouv. de Pologne, ch. vi, p. 348.

�� �