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dans le monde connu qu’une seule et même religion [1].

Ce fut dans ces circonstances que Jésus vint établir sur la terre un royaume spirituel ; ce qui, séparant le système théologique du système politique, fit que l’État cessa d’être un, et causa les divisions intestines qui n’ont jamais cessé d’agiter les peuples chétiens. Or, cette idée nouvelle d’un royaume de l’autre inonde n’ayant pu jamais entrer dans la tête des païens, ils regardèrent toujours les chrétiens comme de vrais rebelles, qui, sous une hypocrite soumission, ne cherchaient que le moment de se rendre indépendants et maîtres, et d’usurper adroitement l’autorité qu’ils feignaient de respecter dans leur faiblesse. Telle fut la cause des persécutions.

Ce que les païens avaient craint est arrivé. Alors tout a changé de face ; les humbles chrétiens ont changé de langage, et bientôt on a vu ce prétendu royaume de l’autre monde devenir, sous un chef visible, le plus violent despotisme dans celui-ci.

Cependant, comme il y a toujours eu un prince et des lois civiles, il est résulté de cette double puissance un perpétuel conflit de juridiction, qui a rendu toute bonne politie impossible dans les États chrétiens ; et l’on n’a jamais pu venir à bout de savoir auquel du maître ou du prêtre on était obligé d’obéir.

Plusieurs peuples cependant, même dans l’Europe ou à son voisinage, ont voulu conserver ou rétablir l’ancien système [2], mais sans succès ;

  1. Mais une religion sans aucune unité.
  2. C’est-à-dire l’union intime de la religion et des institutions politiques.