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frages [1]. Cette admirable institution des patrons et des clients fut un chef-d’œuvre de politique et d’humanité, sans lequel le patriciat, si contraire à l’esprit de la république, n’eût pu subsister. Rome seule a eu l’honneur de donner au monde ce bel exemple, duquel il ne résulta jamais d’abus, et qui pourtant n’a jamais été suivi [2].

Cette même forme des curies ayant subsisté sous les rois jusqu’à Servius, et le règne du dernier Tarquin n’étant point compté pour légitime, cela fit distinguer généralement les lois royales par le nom de leges curiatæ.

Sous la république, les curies, toujours bornées aux quatre tribus urbaines, et ne contenant plus que la populace de Rome, ne pouvaient convenir ni au sénat, qui était à la tête des patriciens, ni aux tribuns, qui, quoique plébéiens, étaient à la tête des citoyens aisés. Elles tombèrent donc dans le discrédit, et leur avilissement fut tel que leurs trente licteurs assemblés faisaient ce que les comices par curies auraient dû faire.

La division par centuries était si favorable à l’aristocratie qu’on ne voit pas d’abord comment le sénat ne l’emportait pas toujours dans les comices qui portaient ce nom, et par lesquels étaient élus les consuls, les censeurs et les autres magistrats curules [3]. En effet, des cent quatre-vingt-treize

  1. Il semble que les voix étaient recueillies, non par tête, mais par famille, de sorte que le chef de la « gens » votait seul au nom de ses parents et de ses clients.
  2. Théorie tout à fait contestable.
  3. Les magistrats « curules », c’est-à-dire qui ont droit à la chaise curule, sont les consuls, les préteurs, les censeurs, les édiles curules et les dictateurs.