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LIVRE QUATRIÈME 2i) I

connaît le goût des premiers Romains pour la vie champêtre. Ce goût leur venait du sage instituteur qui unit à la liberté les travaux rustiques et mili- taires, et relégua, pour ainsi dire, à la ville les arts, les métiers, l'intrigue, la fortune et l'esclavage.

Ainsi, tout ce que Rome avait d'illustre vivant aux champs et cultivant la terre, on s'accoutuma à ne chercher que là les soutiens de la république. Cet état, étant celui des plus dignes patriciens, lut honoré de tout le monde ; la vie simple et labo- rieuse des villageois fut préférée à la vie oisive et lâche des bourgeois de Rome, et tel n'eût été qu'un malheureux prolétaire à la ville qui, laboureur aux champs, devint un citoyen respecté. Ce n'est pas sans raison, disait Varron, que nos . magnanimes ancêtres établirent au village la pépinière de ces robustes et vaillants hommes qui les défendaient en temps de guerre et les nourrissaient en temps de paix. Pline dit positivement que les tribus des champs étaient honorées à cause des hommes qui les composaient ; au lieu qu'on transférait par igno- minie dans celles de la ville les lâches qu'on voulait avilir. Le Sabin Appius Claudius, étant venu s'éta- blir à Rome, y fut comblé d'honneurs et inscrit dans une tribu rustique, qui prit dans la suite le nom de sa famille. Enfin, les affranchis entraient tous dans les tribus urbaines, jamais dans les rurales, et il n'y a pas, durant toute la république, un seul exemple d'aucun de ces affranchis parvenu à aucune magis- trature, quoique devenu citoyen.

Cette maxime était excellente, mais elle fut poussée si loin qu'il en résulta enfin un changement, et certainement un abus dans la police.

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