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LIVRE TROISIÈME 26l

pour s'y rendre, parce que nul ne prend intérêt à ce qui s'y fait, qu'on prévoit que la volonté générale n'y dominera pas, et qu'enfin les soins domestiques absorbent tout. Les bonnes lois en font faire de meilleures, les mauvaises en amènent de pires. Sitôt que quelqu'un dit des affaires de l'Etat : que m'im- porte ? on doit compter que l'État est perdu.

L'attiédissement de l'amour de la patrie, l'activité de l'intérêt privé, l'immensité des Etats, les conquê- tes, l'abus du gouvernement, ont fait imaginer la voie des députés ou représentants du peuple dans les assemblées de la nation. C'est ce qu'en certain pays on ose appeler le tiers état (*). Ainsi, l'intérêt particulier de deux ordres est mis au premier et second rang ; l'intérêt public n'est qu'au troisième.

La souveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu'elle ne peut être aliénée ( a ); elle consiste essentiellement dans la volonté générale, et la volonté ne se représente point : elle est la même ou elle est autre ; il n'y a point de milieu. Les députés du peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses repré- sentants, ils ne sont que ses commissaires ; ils ne peuvent rien conclure définitivement ( 3 ). Toute loi

(*) On désignait sous ce nom, en France, les représen- tants de la bourgeoisie aux États-Généraux, la noblesse et le clergé constituant les deux premiers ordres.

( 2 ) Le principe a été démontré plus haut, II, i : Rousseau en étudie ici les applications.

( 3 ) Les représentants ne peuvent donc former, selon Rousseau, qu'une sorte de « Conseil d'Etat », chargé de préparer et le rédiger les lois. Mais le peuple doit toujours être au moins consulté par voie de « référendum », selon le langage politique d'aujourd'hui. — C'est le principe dont s'est inspirée la Constitution de l'an I, qui ne fut d'ailleurs pas appliquée.

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