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l4 INTRODUCTION

sentiments naturels, qui sont « gravés dans le cœur de l'homme en caractères ineffaçables (') » et qui sponta- nément le poussent vers les fins dont la réalisation est nécessaire pour la conservation de la vie. Ces principes naturels sont au nombre de deux, l'instinct de conser- vation ou l'égoïsme, jet la sympathie, si l'on en croit la Préface du Discours sur Vinégalité ( 2 ) ; dans le Contrat, il n'est plus question que du premier, qui est en tous cas le plus important : « Sa première loi (de l'homme) est de veiller à sa propre conservation, ses premiers soins sont ceux qu'il se doit à lui-même. . . ( 3 ) ». Mais si ces prin- cipes sont tout d'abord « des inclinations de la nature ( 4 ) » et tirent de là leur puissance, la raison en reconnaît plus tard la nécessité et par suite la légitimité ; l'homme en fait ou doit en faire les règles réfléchies de sa conduite ; il les érige en « loi naturelle. » C'est de là que découlent «toutes les règles du droit naturel ( 5 ) ». Ainsi se justifie le droit fondamental de l'homme à la liberté. L'homme comprend qu'il a droit à la vie, qu'il est « juge des moyens propres à la conserver » et par suite « son propre maître ( 6 ) ».

Jusqu'où s'étend cette liberté naturelle? 11 ne faut pas croire qu'elle soit sans limites : selon Rousseau, il y a toujours bien de la différence entre la liberté et l'indépendance ( 7 ). Comment pourrait-il être question pour l'homme d'indépendance absolue, puisqu'il vit dans un univers régi par des lois inflexibles et parmi d'autres hommes, ses semblables? S'il prétendait se conduire

l 1 ) Ms. de Neufchâtel, éd. Dreyfus-Br., p. 305.

( 2 ) P. 223.

( 3 ) C. s., I, n.

( 4 ) Emile, V, p. 2i4. ( 5 > Disc, préf., p. 223.

( 6 ) C. s., I. n.

( 7 ) 8 e Lettre de la Montagne, p. 437 : « Ces deux choses sont si différentes que même elles s'excluent mutuellement ». Cf. Emile, II et C. s., I, vm.

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