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T02 DU CONTRAT SOCIAL

Si, quand le peuple suffisamment informé déli- bère, les citoyens n'avaient aucune communication entre eux, du grand nombre de petites différences résulterait toujours la volonté générale, et la délibé- ration serait toujours bonne. Mais quand il se fait des brigues, des associations partielles aux dépens de la grande, la volonté de chacune de ces associa- tions devient générale par rapport à ses membres, et particulière par rapport à l'Etat : on peut dire alors qu'il n'y a plus autant de votants que d'hom- mes, mais seulement autant que d'associations. Les différences deviennent moins nombreuses et don- nent un résultat moins général ( 1 ). Enfin, quand

ce que la majorité du peuple regarde comme conforme à l'intérêt général. On voit donc que, comme Rousseau le dira au chapitre suivant, « ce qui généralise la volonté est moins le nombre des voix que l'intérêt commun qui les unit ». — Par exemple, Pierre, Paul et Jacques, lorsqu'ils ne songent qu'à leurs intérêts privés, veulent, l'un ceci pour telle raison, l'autre cela pour telle autre, etc.; ils veulent donc des choses différentes et pour des raisons différentes : impossible de tirer de là aucune volonté une, générale; ce n'est que la volonté de tous. Mais demandons-leur à chacun s'ils pensent telle loi conforme ou non à l'intérêt général ; chacun en jugera de son point de vue particulier et pourra bien avoir un avis différent de celui de son voisin, mais du moins tous ces avis seront des réponses à une même question et on pourra les comparer et les additionner : Pierre votera pour, Paul contre, Jacques pour : les deux premiers avis s'entredétruisant, on pourra dire que la volonté générale se déclare pour.

I 1 ) La volonté générale étant, en effet, une sorte de volonté moyenne, on calculera d'autant plus exactement cette moyenne qu'on aura considéré un plus grand nombre de volontés particulières. Toute organisation qui tendra à fausser l'expression naturelle et spontanée de ces volontés

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