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LIVRE PREMIER l39

Le droit de premier occupant, quoique plus réel (*) que celui du plus fort, ne devient un vrai droit ( a )qu'après l'établissement de celui de propriété. Tout homme a naturellement droit à tout ce qui lui est nécessaire ; mais l'acte positif qui le rend pro- priétaire de quelque bien l'exclut de tout le reste. Sa part étant faite, il doit s'y borner, et n'a plus aucun droit à la communauté ( 3 ). Voilà pourquoi le droit de premier occupant, si faible dans l'état de nature, est respectable à tout homme civil. On respecte moins dans ce droit ce qui est à autrui que ce qui n'est pas à soi.

En général, pour autoriser sur un terrain quel- conque le droit de premier occupant, il faut les conditions suivantes : premièrement, que ce terrain ne soit encore habité par personne ; secondement, qu'on n'en occupe que la quantité dont on a besoin pour subsister ; en troisième lieu, qu'on en prenne possession, non par une vaine cérémonie, mais par le travail et la culture, seul signe de propriété qui,

(M C'est-à-dire, étant plus réellement un droit et pouvant mieux se justifier rationnellement.

( 2 ) C'est-à-dire, un droit dont on puisse exiger le respect, au besoin en réclamant l'appui du corps social. On voit donc bien qu'avant le contrat, il n'y a, selon Rousseau, que des possibilités de devoirs et de droits : ces notions ne deviennent des réalités qu'avec la société et grâce à la société. Le Droit moderne dit de même : « pas de droit sans action ».

( ! ) Expression obscure. Rousseau veut dire que l'homme à qui la société a reconnu la propriété d'un bien n'a plus aucun droit de prétendre partager la propriété qui est également reconnue aux autres sur leurs propres biens. Tout ce qui ne lui est pas formellement attribué par un titre positif lui devient absolument étranger.

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