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94 INTRODUCTION

nom d'anarchistes, parce qu'ils ne pardonnent pas à Rousseau d'avoir voulu renforcer la puissance de l'Etat, mais tous parce qu'ils lui reprochent à bon droit d'avoir entièrement subordonné les questions sociales aux ques- tions politiques, et méconnu ou dénaturé l'importance des faits économiques, — ni les « démocrates » (*), parce qu'ils répugnent instinctivement à la reconnais- sance expresse de l'absolue souveraineté populaire, et qu'à vrai dire, ils n'ont pas de système politique logi- que et complet, — ni les sociologues, philosophes et savants, qui étudient surtout les faits de l'histoire, les lois de la biologie ou de la psychologie, et qui, à force d'avoir réfuté «jusqu'à satiété ( 2 ) » l'interprétation historique du. contrat social (interprétation qui est, comme on l'a vu, une déformation complète des idées de Rousseau), oublient volontiers que la vraie signifi- cation du contrat est morale et logique, et, comme M. Sumner-Maine, s'étonnent de « la fascination sin- gulière » qu'exerce « cette erreur spéculative » sur a ceux qui pensent légèrement en tout pays ( 3 ) », — ne peuvent être regardés comme des disciples, mais bien au contraire comme des adversaires de la pensée politique de Rousseau.

Peut-être cependant peut-on découvrir aujourd'hui, aussi bien dans la philosophie et dans la sociologie que dans la politique contemporaine, un certain mouvement plus sympathique à l'esprit du Contrat social. D'une part, les philosophes commencent peut-être à mieux sentir qu'à la base de tout système politique, il faut

(*) Je désigne par ce mot vague et commode les politiques, diversement dénommés selon les époques et les pays (radicaux, radicaux-socialistes, etc.), qui attribuent à 1 État un rôle plus étendu que la stricte protection des droits individuels et lui demandent de travailler à réaliser l'égalité ou la justice sociale.

(•) E. Faguet, ouvr. cit.

( 3 ) H. Sumner-Maine, l'Ancien Droit, trad. franc. (1874), en. ij, p. 84.

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