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sont distribuées en Italie comme en France, c’est un usage universel, mais arbitraire, qui n’a point de fondement naturel. D’ailleurs n’admire-t-on pas en plusieurs lieux, & singuliérement à Venise, de très-belles Musiques à grand Chœur, exécutées uniquement par de jeunes filles ?

III. Le trop grand éloignement des Voix entr’elles, qui leur fait à toutes excéder leur portée, oblige souvent d’en subdiviser plusieurs. C’est ainsi qu’on devise les Basses en Basse-Contres & Balle-Tailles, les Tailles en Haute-Tailles & Concordans, les Dessus en premiers & seconds : mais dans tout cela on n’apperçoit rien de fixe, rien de réglé sur quelque principe. L’esprit général des Compositeurs François est toujours de forcer les Voix pour les faire crier plutôt que chanter : c’est pour cela qu’on paroît aujourd’hui se borner aux Basses & Haute-Contres qui sont dans les deux extrêmes. À l’égard de la Taille, Partie si naturelle à l’homme qu’on l’appelle Voix humaine par excellence, elle est déjà bannie de nos Opéra où l’on ne veut rien de naturel ; & par la même raison elle ne tardera pas à l’être de toute la Musique Françoise.

On distingue encore les Voix par beaucoup d’autres différences que celles du grave à l’aigu. Il y a des Voix fortes dont les Sons sont doux & bruyans ; des Voix douces dont les Sons sont doux & flûtés ; de grandes Voix qui ont beaucoup d’étendue ; de belles Voix dont les Sons sont pleins, justes & harmonieux ; il y a aussi les contraires de tout cela. Il y a des Voix dures & pesantes ; il y a des Voix flexibles & légeres ; il y en a dont les beaux Sons sont inégalement