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par ce mot voix, j’entends moins la forcé du timbre, que l’étendue, la justesse & la flexibilité. Je pense qu’un Théâtre dont l’objet est d’émouvoir le cœur par les Chants, doit être interdit à ces voix dures & bruyantes qui ne sont qu’étourdir les oreilles ; & que, quelque peu de voix que puisse avoir un Acteur, s’il l’a juste, touchante, facile, & suffisamment étendue, il en a tout autant qu’il faut ; il saura toujours bien se faire entendre, s’il sait se faire écouter.

Avec une voix convenable, l’Acteur doit l’avoir cultivée par l’Art, & quand sa voix n’en auroit pas besoin, il en auroit besoin lui-même pour saisir & rendre avec intelligence la partie musicale de ses rôles. Rien n’est plus insupportable & plus dégoûtant que de voir un Héros dans les transports des passions les plus vives, contraint & gêné dans son rôle, peiner & s’assujettir en écolier qui répete mal sa leçon ; montrer, au lieu des combats de l’Amour & de la Vertu, ceux d’un mauvais Chanteur avec la Mesure & l’Orchestre, & plus incertain sur le Ton que sur le parti qu’il doit prendre. Il n’y a ni chaleur ni grace sans facilité, & l’Acteur dont le rôle lui coûte, ne le rendra jamais bien.

Il ne suffit pas à l’Acteur d’Opéra d’être un excellent Chanteur, s’il n’est encore un excellent Pantomime ; car il ne doit pas seulement faire sentir ce qu’il dit lui-même, mais aussi ce qu’il laissé dire à la Symphonie. L’Orchestre ne rend pas un sentiment qui ne doive sortir de son ame ; ses pas, les regards, son geste, tout doit s’accorder sans cessé avec la Musique, sans pourtant qu’il paroisse y songer ; il doit intéresser toujours, même en gardant le silence, & quoiqu’occupé