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ROULADE, s. f. Passage dans le Chant de plusieurs Notes sur une même syllabe.

La Roulade n’est qu’une imitation de la Mélodie instrumentale dans les occasions où, soit pour les graces du Chant, soit pour la vérité de l’image, soit pour la forcé de l’expression, il est à propos de suspendre le discours & de prolonger la Mélodie : mais il faut, de plus, que la syllabe soit longue, que la voix en soit éclatante & propre à laisser au gosier la facilité d’entonner nettement & légérement les Notes de la Roulade sans fatiguer l’organe du Chanteur, ni, par conséquent, l’oreille des écoutans.

Les voyelles les plus favorables pour faire sortir la voix, sont les a ; ensuite les o, les è ouverts : l’i & l’u sont peu sonores ; encore moins les diphthongues. Quant aux voyelles nazales, on n’y doit jamais faire de Roulades. La Langue Italienne pleine d’o & d’a est beaucoup plus propre pour les inflexions de voix que n’est la Françoise ; aussi les Musiciens Italiens ne les épargnent-ils pas. Au contraire, les François, obligés de composer presque toute leur Musique syllabique, à cause des voyelles peu favorables sont contraints de donner aux Notes une marche lente & posée, ou de faire heurter les consonnes en faisant courir les syllabes ; ce qui rend nécessairement le Chant languissant ou dur. Je ne vois pas comment la Musique Françoise pourroit jamais surmonter cet inconvénient.

C’est un préjugé populaire de penser qu’une Roulade soit toujours hors de place dans un Chant triste & pathétique. Au contraire, quand le cœur est le plus vivement ému, la