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excitoit les fureurs d’Alexandre par le Mode Phrygien, & les calmoit par le Mode Lydien, une Musique plus moderne renchérissoit encore cri excitant, dit-on, dans Eriic, Roi, de Dannemarck, une telle fureur qu’il tuoit ses meilleurs domestiques. Sans doute ces. malheureux étoient moins sensibles que leur Prince à la Musique ; autrement il eût pu courir la moitié du danger. D’Aubigny rapporte une autre histoire toute pareille à celle de Timothée. Il dit que, sous Henri III, le Musicien Claudin jouant aux noces du Duc de Joyeuse sur le Mode Phrygien, anima, non le Roi, mais un Courtisan qui s’oublia jusqu’à mettre la main aux armes en présence de son Souverain ; mais le Musicien se hâta de le calmer en prenant le Mode Hypo-Phrygien. Cela est dit avec autant d’assurance que si le Musicien Claudin avoir pu savoir exactement en quoi consistoit le Mode Phrygien & le Mode Hypo-Phrygien.

Si notre Musique a peu de pouvoir sur les affections de l’ame, en revanche elle est capable d’agir physiquement sur les corps, témoin l’histoire de la Tarentule, trop connue pour en parler ici ; témoin ce Chevalier Gascon dont parle Boyle, lequel, au son d’une Cornemuse, ne pouvoit retenir son urine ; à quoi il faut ajouter ce que raconte le même Auteur de ces femmes qui fondoient en larmes lorsqu’elles entendoient un certain Ton dont le reste des Auditeurs n’étoit point affecté & je connois à Paris une femme de condition, laquelle ne peut écouter quelque Musique que ce soit sans être saisie d’un rire involontaire & convulsif. On lit aussi dans l’Histoire de l’Académie des Sciences de Paris