Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t9.djvu/307

Cette page n’a pas encore été corrigée

si-tôt qu’on n’entend que des Accords isolés qui n’ont plus de rapport sensible cet de fondement commun, l’Harmonie n’a plus aussi d’union ni de suite apparente, & l’effet qui en résulte n’est qu’un vain bruit sans liaison & sans agrément. Si M. Rameau, moins occupé de calculs inutiles, eût mieux étudié la Métaphysique de son Art, il est à croire que le feu naturel de ce savant Artiste eût produit des prodiges, dont le germe étoit dans son génie ; mais que ses préjugés ont toujours étouffé.

Je ne crois pas même que les simples Transitions Enharmoniques puissent jamais bien réussir, ni dans les Chœurs, ni dans les Airs, parce que chacun de ces morceaux forme un tout où doit régner l’unité, & dont les Parties doivent avoir entr’elles une liaison plus sensible que ce Genre ne peut la marquer.

Quel est donc le vrai lieu de l’Enharmonique ? C’est, selon moi, le Récitatif obligé. C’ est dans une scene sublime & pathétique où la Voix doit multiplier & varier les inflexions Musicales à l’imitation de l’accent grammatical, oratoire & souvent inappréciable ; c’ est, dis-je, dans une telle scene que les Transitions Enharmoniques sont bien placées, quand on sait les ménager pour les grandes expressions, & les affermir, pour ainsi dire, par des traits de symphonie qui suspendent la parole & renforcent l’expression : Les Italiens, qui sont un usage admirable de ce Genre, ne l’emploient que de cette maniere. On peut voir dans le premier Récitatif de l’Orphée de Pergolèse un exemple frappant & simple des effets que ce grand Musicien