Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t8.djvu/619

Cette page n’a pas encore été corrigée

sans rhythme, mais il n’y a point de rhythme sans mesure.... C’est en approfondissant cette partie de son art, que le Compositeur donne l’essor a son génie, toute la science des accords ne peut suffire a ses besoins.

Il importe ici de remarquer, contre le préjugé de tous les Musiciens, que l’harmonie par elle-même, ne pouvant parler qu’a l’oreille & n’imitant rien, ne peut avoir que de très-foibles effets. Quand elle entre avec succès dans la Musique imitative, ce n’est jamais qu’en représentant, déterminant & renforçant les accens mélodieux qui, par eux-mêmes, ne sont pas toujours assez détermines sans le secours de l’accompagnement. Des intervalles absolus n’ont aucun caractere par eux-mêmes ; une seconde superflue & une tierce-mineure, une septieme mineure & une sixte superflue, une fausse quinte & un triton, sont le même intervalle, & ne prennent les affections qui les déterminent, que par leur place dans la modulation, & c’est a l’accompagnement de leur fixer cette place, qui resteroit souvent équivoque par le seul chant. Voilà quel est l’usage & l’effet de l’harmonie dans la Musique imitative & théâtral. C’est par les accens de la mélodie, c’est par la cadence du rhythme que la Musique, imitant les inflexions que donnent les passions a la voix humaine, peut pénétrer jusqu’au cœur & l’émouvoir par des sentimens ; au lieu que la seule harmonie n’imitant rien, ne peut donner qu’un plaisir de sensation. De simples accords peuvent flatter l’oreille, comme de belles couleurs flattent les yeux ; mais ni les uns, ni ales autres ne porteront jamais au cœur la moindre émotion, parce que ni les uns, ni les autres n’imitent