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jamais dans les scenes, parce que nos Acteurs n’ayant aucun jeu muet, & la Musique n’indiquant aucun geste & ne peignant aucune situation, celui qui garde le silence ne sait que faire de sa personne pendant que l’autre chante.

Le caractere traînant de la langue, le peu de flexibilité de nos voix, & le ton lamentable qui regne perpétuellement dans notre Opéra, mettent presque tous les monologues François sur un mouvement lent, & comme la mesure ne s’y fait sentir ni dans le chant, ni dans la Basse, ni dans l’accompagnement, rien n’est si traînant, si lâche, si languissant que ces beaux monologues que tout le monde admire en baillant ; ils voudroient être trilles & ne sont qu’ennuyeux ; ils voudroient toucher le cœur, & ne sont qu’affliger les oreilles.

Les Italiens sont plus adroits dans leurs Adagio : car lorsque le chant est si lent qu’il seroit a craindre qu’il ne laissât affoiblir l’idée de la mesure, ils sont marcher la basse par notes égales qui marquent le mouvement, & l’accompagnement le marque aussi par des subdivisions de notes, qui, soutenant la voix & l’oreille en mesure, ne rendent le chant que plus agréable & sur-tout plus énergique par cette précision. Mais la nature du chant François interdit cette ressource a nos Compositeurs : car des que l’Acteur seroit force d’aller en mesure, il ne pourroit plus développer sa voix ni son jeu, traîner son chant, renfler, prolonger ses sons, ni crier a pleine tête, & par conséquent il ne seroit plus applaudi.

Mais ce qui prévient encore plus efficacement la monotonie & l’ennui dans les Tragédies Italiennes, c’est l’avantage