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avec mépris les portées vuides d’une partition, mais voyant la facilite qu’un Ecolier auroit eue à les remplir, ils soupçonneront & chercheront les raisons de cette simplicité trompeuse, d’autant plus admirable, qu’elle cache des prodiges sous une feinte négligence, & que l’arte che tutto sa nulla si scuopre.

Voilà, à ce qu’il me semble, la cause des effets surprenans que produit l’harmonie de la Musique Italienne, quoique beaucoup moins chargée que la notre, qui en produit si peu. Ce qui ne signifie pas qu’il ne faille jamais remplir l’harmonie, mais qu’il ne faut la remplir qu’avec choix & discernement ; ce n’est pas non plus à dire que pour ce choix le Musicien soit oblige de faire tous ces raisonnemens, mais qu’il en doit sentir le résultat. C’est à lui d’avoir du génie & du goût pour trouver les choses d’effet ; c’est au Théoricien a en chercher les causes, & à dire pourquoi ce sont des choses d’effet.

Si vous jettez les yeux sur nos compositions modernes, sur-tout si vous les ecoutez, vous reconnoîtrez bientôt que nos Musiciens ont si mal compris tout ceci, que, s’efforçant d’arriver au même but, ils ont directement suivi la route opposée ; & s’il m’est permis de vous dire naturellement ma pensée, je trouve que plus notre Musique se perfectionne en apparence, & plus elle se gâte en effet. Il etoit peut-être nécessaire qu’elle vint au point ou elle est, pour accoutumer insensiblement nos oreilles a rejetter les préjugés de l’habitude, & a goûter d’autres airs que ceux dont nos Nourrices nous ont endormis ; mais je prévois que pour la porter