Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t8.djvu/528

Cette page n’a pas encore été corrigée

est scrupuleusement remplie, tout accompagnement ou tous les accords sont complets, doit faire beaucoup de bruit, mais avoir très-peu d’expression : ce qui est précieusement le, caractere de la Musique Françoise. Il est vrai qu’en ménageant les accords & les parties, le choix devient difficile & demande beaucoup d’expérience & de goût pour le faire toujours a propos ; mais s’il y a une regle pour aider un Compositeur a se bien conduire en pareille occasion, c’est certainement celle de l’unité de mélodie que j’ai tache d’établir ; ; ce qui se rapporte au caractere de la Musique Italienne & rend raison de la douceur du chant jointe a la force d’expression qui y regnent.

Il suit de tout ceci, qu’après avoir bien étudie les regles élémentaires de l’harmonie, le Musicien ne doit point se hâter de la prodiguer inconsidérément, ni se croire en etat de composer, parce qu’il fait remplir des accords ; mais qu’il doit, avant que de mettre la main a l’œuvre, s’appliquer a l’étude beaucoup plus longue & plus difficile des impressions diverses que les consonnances, les dissonances & tous les accords sont sur les oreilles sensibles, & se dire souvent a lui-même, que le grand art du Compositeur ne consiste pas moins savoir discerner dans l’occasion les sons qu’on doit supprimer, que ceux dont il faut faire usage. C’est en étudiant & feuilletant sans cesse les chefs-d’œuvre de l’Italie qu’il apprendra a faire ce choix exquis, si la nature lui a donne assez de génie & de goût pour en sentir la nécessité ; car les difficulté de l’art ne se laissent appercevoir qu’à ceux qui sont faits pour les vaincre, & ceux-là ne s’aviseront pas de compter