Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t8.djvu/519

Cette page n’a pas encore été corrigée

séparer tout-à-fait le chant de l’accompagnement ; & destinant uniquement ce dernier à rendre l’idée accessoire, il disposera son chant de maniere à donner des jours frequens à l’Orchestre, en observant avec soin que la symphonie soit toujours dominée par la partie chantante, ce qui dépend encore plus de l’art du Compositeur, que de l’exécution des Instrumens : mais ceci demande une expérience consommée pour éviter la duplicité de mélodie.

Voilà tout ce que la regle de l’unité peut accorder au goût du Musicien, pour parer le chant ou le rendre plus expressif, soit en embellissant le sujet principal, soit en y en ajoutant un autre qui lui reste assujetti. Mais de faire chanter a part des Violons d’un cote, de l’autre des Flûtes, de l’autre des Bassons, chacun sur un dessein particulier ; & presque sans rapport entr’eux, & d’appeller tout ce cahos de la Musique, c’est insulter également l’oreille & le jugement des Auditeurs.

Une autre chose, qui n’est pas moins contraire que la multiplication des parties, à la regle que je viens d’établir, c’est l’abus ou plutôt l’usage des fugues, imitations, doubles desseins, & autres beautés arbitraires & de pure convention, qui n’ont presque de mérite que la difficulté vaincue, & qui toutes ont été inventées dans la naissance de l’art pour faire briller le savoir, en attendant qu’il fut question du génie. Je ce dis pas qu’il soit tout-à-fait impossible de conserver l’unité de mélodie dans une fugue, en conduisant habilement l’attention de l’Auditeur d’une partie à l’autre, à mesure que le sujet y passe ; mais ce travail est si pénible, que presque personne y réussit, & si ingrat qu’à peine le succès peut-il dédommager