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consiste en grande partie la beauté & l’expression du chant. La mesure est à-peu-près à la mélodie ce que la Syntaxe est au discours : c’est elle qui fait l’enchaînement des mots, qui distingue les phrases, & qui donne un sens, une liaison au tout. Toute Musique dont on ne sent point la mesure ressemble, si la faute vient de celui qui l’exécute, à une ecriture en chiffres, dont il faut nécessairement trouver la clef pour en démêler le sens ; mais si en effet cette Musique n’a pas de mesure sensible, ce n’est alors qu’une collection confuse de mots pris au hazard & ecrits sans suite, auxquels le Lecteur ne trouve aucun sens, parce que l’Auteur n’y en a point mis.

J’ai dit que toute Musique Nationale tire sort principal caractere de la langue qui lui est propre, & je dois ajouter que c’est principalement la prosodie de la langue qui constitue ce caractere. Comme la Musique vocale a précédé de beaucoup l’instrumentale, celle-ci a toujours reçu de l’autre ses tours de chant & sa mesure, & les diverses mesures de la Musique vocale n’ont pu naître que des diverses manieres dont on pouvoit scander le discours & placer les brèves & les longues les unes a l’égard des autres : ce qui est très-évident dans la Musique Grecque, dont toutes les mesures n’etoient que les formules d’autant de rythmes fournis par tous les arrangemens des syllabes longues ou brèves, & des pieds dont la langue & la Poésie etoient susceptibles. De sorte que quoiqu’on puisse très-bien distinguer dans le rythme musical la mesure de la prosodie, la mesure du vers, & la mesure du chant, il ne faut pas douter que la Musique la plus agréable,