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La mélodie étant oubliée, & l’attention du musicien s’étant tournée entierement vers l’harmonie, tout se dirigea peu à peu sur ce nouvel objet ; les genres, les modes, la gamme, tout reçut des faces nouvelles : ce furent les successions harmoniques qui réglerent la marche des parties. Cette marche ayant usurpé le nom de mélodie, on ne put méconnoître en effet dans cette nouvelle mélodie les traits de sa mère ; & notre système musical étant ainsi devenu, par degrés, purement harmonique, il n’est pas étonnant que l’accent oral en ait souffert, & que la musique ait perdu pour nous presque toute son énergie.

Voilà comment le chant devint, par degrés, un art entierement séparé de la parole dont il tire son origine ; comment les harmoniques des sons firent oublier les inflexions de la voix ; & comment enfin, bornée à l’effet purement physique du concours des vibrations, la musique se trouva privée des effets moraux qu’elle avoit produits quand elle étoit doublement la voix de la nature.


longueur, mais elles ne résonnent pas. Voilà, ce me semble, une singulière physique ; c’est comme si l’on disait que le soleil luit et qu’on ne voit rien.

Ces cordes plus longues, ne rendant que le son de la plus aiguë, parce qu’elles se divisent, vibrent, résonnent à son unisson, confondent leur son avec le sien et paraissent n’en rendre aucun. L’erreur est d’avoir cru les voir vibrer dans toute leur longueur, et d’avoir mal observé les nœuds. Deux cordes sonores formant quelque intervalle harmonique peuvent faire entendre leur son fondamental au grave, même sans une troisième corde, c’est l’expérience connue et confirmée de M. Tartini : mais une corde seule n’a point d’autre son fondamental que le sien ; elle ne fait point résonner ni vibrer ses multiples, mais seulement son unisson et ses aliquotes. Comme le son n’a d’autre cause que les vibrations du corps sonore, et qu’où la cause agit librement l’effet suit toujours, séparer les vibrations de la résonnance, c’est dire une absurdité.