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vous annoncent un être semblable à vous ; ils sont, pour ainsi dire, les organes de l’ame ; & s’ils vous peignent aussi la solitude, ils vous disent que vous n’y êtes pas seul. Les oiseaux sifflent, l’homme seul chante ; & l’on ne peut entendre ni chant, ni symphonie, sans se dire à l’instant, Un autre être sensible est ici.

C’est un des grands avantages du musicien, de pouvoir peindre les choses qu’on ne sauroit entendre, tandis qu’il est impossible au peintre de représenter celles qu’on ne sauroit voir ; & le plus grand prodige d’un art qui n’agit que par le mouvement est d’en pouvoir former jusqu’à l’image du repos. Le sommeil, le calme de la nuit, la solitude & le silence même, entrent dans les tableaux de la musique. On soit que le bruit peut produire l’effet du silence, & le silence l’effet du bruit, comme quand on s’endort à une lecture égale & monotone, & qu’on s’éveille à l’instant qu’elle cesse. Mais la musique agit plus intimement sur nous, en excitant par un sens des affections semblables à celles qu’on peut exciter par un autre ; & comme le rapport ne peut être sensible que l’impression ne soit forte, la peinture, dénuée de cette force, ne peut rendre à la musique les imitations que celle-ci tire d’elle. Que toute la nature soit endormie, celui qui la contemple ne dort pas, & l’art du musicien consiste à substituer à l’image insensible de l’objet celle des mouvemens que sa présence excite dans le cœur du contemplateur. Non-seulement il agitera la mer, animera la flammes d’un incendie, fera couler les ruisseaux, tomber la pluie & grossir les torrens ; mais il peindra l’horreur d’un désert affreux, rem-