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CHAPITRE XVI

Fausse analogie entre les couleurs et les sons.

IL n’y a sortes d’absurdités auxquelles les observations physiques n’oient donné lieu dans la considération des beaux-arts. On a trouvé dans l’analise du son les mêmes rapports que dans celle de la lumiere. Aussi-tôt on a saisi vivement cette analogie, sans s’embarrasser de l’expérience & de la raison. L’esprit de système a tout confondu ; & faute de savoir peindre aux oreilles, on s’est avisé de chanter aux yeux. J’ai vu ce fameux clavecin sur lequel on prétendoit faire de la musique avec des couleurs ; c’étoit bien mal connoître les opérations de la nature, de ne pas voir que l’effet des couleurs est dans leur permanence & celui des sons dans leur succession.

Toutes les richesses du coloris s’étalent à la fois sur la face de la terre ; du premier coup-d’œil tout est vu. Mais plus on regarde & plus on est enchanté ; il ne fait plus qu’admirer & contempler sans cesse.

Il n’en est pas ainsi du son ; la nature ne l’analise point & n’en sépare point les harmoniques : elle les cache, au contraire, sous l’apparence de l’unisson ; ou, si quelquefois elle les sépare dans le chant modulé de l’homme & dans le ramage de quelques oiseaux, c’est successivement, & l’un après l’autre ; elle inspire des chants & non des accords, elle dicte de la mélodie & non de l’harmonie. Les couleurs sont la