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mérite toutes notre admiration. La folle science des hommes n’set digne de risée & de mépris.

Le goût des Lettres annonce toujours chez un peuple un commencement de corruption qu’il accéléré très-promptement. Car ce goût ne peut naître ainsi dans toute une nation que de deux mauvaises sources que l’étude entretient & grossit à son tour ; savoir, l’oisiveté & le désir de se distinguer. Dans un Etat bien constitue, chaque citoyen à ses devoirs à remplir : & ces soins importans lui sont trop chers pour lui laisser le loisir de vaque à de frivoles spéculations. Dans un Etat bien constitue tous les citoyens sont si égaux, que nul ne peut être préféré aux autres comme le plus savant ni même comme le plus habile, mais tout plus comme le meilleur : encore cette derniere distinction est-elle souvent dangereuse ; car elle fait des fourbes & des hypocrites.

Le goût des Lettres, qui naît du désir de se distinguer, produit nécessairement des maux infiniment plus dangereux que tout le bien qu’elles sont n’est utile ; c’est de rendre à la fin ceux qui s’y livrent très-peu scrupuleux sur les moyens réussir. Les premiers Philosophes se firent une grande réputation en enseignant aux hommes la pratique de leurs devoirs & principes de la vertu. Mais bientôt ces préceptes étant devenus communs, il falut se distinguer en frayant des routes contraires. Telle