Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t8.djvu/248

Cette page a été validée par deux contributeurs.

que divinité. Pygmalion, c’est une pierre ; c’est ton ouvrage… qu’importe ? On sert des Dieux dans nos temples qui ne sont pas d’une autre matiere, & n’ont pas été faits d’une autre main.

Il leve le voile en tremblant, & se prosterne. On voit la statue de Galathée posée sur un piéd-d’estal fort petit, mais exhaussé par un gradin de marbre, formé de quelques marches demi-circulaires.

Ô Galathée ! recevez mon hommage. Oui je me suis trompé : j’ai voulu vous faire Nymphe, & je vous ai fait Déesse. Vénus même est moins belle que vous.

Vanité, foiblesse humaine : je ne puis me lasser d’admirer mon ouvrage ; je m’enivre d’amour-propre ; je m’adore dans ce que j’ai fait… Non, jamais rien de si beau ne parut dans la nature ; j’ai passé l’ouvrage des Dieux….

Quoi ! tant de beautés sortent de mes mains ? Mes mains les ont donc touchées ?… ma bouche a donc pu… Je vois un défaut. Ce vêtement couvre trop le nu ; il faut l’échancrer davantage ; les charmes qu’il recéle doivent être mieux annoncés.

Il prend son maillet & son ciseau ; puis s’avançant lentement il monte, en hésitant, les gradins de la statue qu’il semble n’oser toucher. Enfin, le ciseau déjà levé, il s’arrête…

Quel tremblement ! quel trouble !… Je tiens le ciseau d’une main mal-assurée… je ne puis… je n’ose… je gâterai tout.

Il s’encourage, & enfin présentant son ciseau il en donne