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raison de m’accuser pour cela seul de parler contre mon sentiment, ni d’accuser mes principes de fausseté.

Mais si je voulois passer condamnation sur ce point, il me suffiroit de comparer les tems pour concilier les choses. Je n’ai pas toujours eu le bonheur de penser comme je sais. Long-tems séduit par les préjuges de mon siecle, je prenois l’étude pour la seule occupation digne d’un sage, je ne regardois les sciences qu’avec respect, & les savans qu’avec admiration. *

[* Toutes les fois que je songe à mon ancienne simplicité, je ne puis n’empêcher d’en rire. Je ne lisois pas un livre de Morale du de Philosophie, que je ne crusse y voir l’ame & les principes de. l’Auteur. Je regardois tous ces graves ecrivains comme des hommes modestes, sages, vertueux, irréprochables. Je me formois de leur commerce des idées angéliques, & je n’aurois approche de la maison de l’un d’eux que comme d’un sanctuaire. Enfin je les ai vus ; ce préjuge puérile, s’est dissipe, & c’est la seule erreur dont ils m’aient guéri.] Je ne comprenois pas qu’on put s’égarer en démontrant toujours, ni mal faire en parlant toujours de sagesse. Ce n’est qu’après avoir vu les choses de près que j’ai appris à les estimer cc qu’elles valent ; & quoique dans mes recherches j’aye toujours trouve, satis loquentiae, sapientiae parum, il m’a falu bien des réflexions, bien des observations & bien du tems pour détruire en moi l’illusion de toute cette, vaine pompe scientifique. Il n’est pas étonnant que durant ces tems de préjuges & d’erreurs ou j’estimois tant la qualité d’Auteur j’aye quelquefois