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Il y a long-tems que j’éprouve les difficultés de la nomenclature, & j’ai ſouvent été tenté d’abandonner tout-à-fait cette partie. Mais il faudroit en même tems renoncer aux livres & à profiter des obſervations d’autrui, & il me ſemble qu’un des plus grands charmes de la Botanique eſt, après celui de voir par ſoi-même, celui de vérifier ce qu’ont vu les autres ; donner ſur le témoignage de mes propres yeux mon aſſentiment aux obſervations fines & juſtes d’un auteur, me paroît une véritable jouiſſance ; au lieu que quand je ne trouve pas ce qu’il dit, je ſuis toujours en inquiétude ſi ce n’eſt point moi qui vois mal. D’ailleurs ne pouvant voir par moi-même que ſi peu de choſe, il faut bien ſur le reſte me fier à ce que d’autres ont vu, & leurs différentes nomenclatures me forcent pour cela de percer de mon mieux le cahos de la ſynonymie. Il a falu, pour ne pas m’y perdre, tout rapporter à une nomenclature particuliere, & j’ai choiſi celle de Linnæus, tant par la préférence que j’ai donnée à ſon ſyſtème, que parce que ſes noms compoſés ſeulement de deux mots me délivrent des longues phraſes des autres. Pour y rapporter ſans peine celles de Tournefort, il me faut très-ſouvent recourir à l’auteur commun que tous deux citent aſſez conſtamment, ſavoir Gaſpard Bauhin. C’eſt dans ſon Pinax que je cherche leur concordance. Car Linnæus me paroît faire une choſe convenable & juſte, quand Tournefort n’a fait que prendre la phraſe de Bauhin, de citer l’auteur original & non pas celui qui l’a tranſcrit, comme on fait très-injuſtement en France. De forte que, quoique preſque toute la nomenclature de Tournefort ſoit tirée mot à mot du