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Il faut commencer par voir en fleurs ces diverſes plantes ; car c’eſt en cet état que la Ciguë a ſon caractere propre. C’eſt d’avoir ſous chaque petite ombelle un petit involucre compoſé de trois petites folioles pointues, aſſez longues, & toutes trois tournées en dehors, au lieu que les folioles des petites ombelles du Cerfeuil l’enveloppent tout autour, & ſont tournées également de tous les côtés. A l’égard du Perſil, à peine a-t-il quelques courtes folioles, fines comme des cheveux, & diſtribuées indifféremment, tant dans la grande ombelle que dans les petites, qui toutes ſont claires & maigres.

Quand vous vous ſerez bien aſſurée de la Ciguë en fleurs, vous vous confirmerez dans votre jugement en froiſſant légérement & flairant ſon feuillage ; car ſon odeur puante & vireuſe ne vous la laiſſera pas confondre avec le Perſil ni avec le Cerfeuil, qui tous deux ont des odeurs agréables. Bien ſure enfin de ne pas faire de quiproquo, vous examinerez enſemble & ſéparément ces trois plantes dans tous leurs états & par toutes leurs parties, ſur-tout par le feuillage qui les accompagne plus conſtamment que la fleur, & par cet examen comparé & répété juſqu’à ce que vous ayez acquis la certitude du coup-d’œil, vous parviendrez à diſtinguer & connoître imperturbablement la Ciguë. L’étude nous mene ainſi juſqu’à la porte de la pratique, après quoi celle-ci fait la facilité du ſavoir.

Prenez haleine, chere Couſine, car voilà une Lettre excédante ; je n’oſe même vous promettre plus de diſcrétion dans celle qui doit la ſuivre ; mais après cela nous n’aurons devant nous qu’un chemin bordé de fleurs. Vous en méritez une