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pas s’aſſocier des faquins. Autrefois, dit-il, c’étoit une grande affaire que d’être fait Dieu, aujourd’hui ce n’eſt plus rien[1]. Vous n’avez déjà rendu cet homme-ci que trop célebre. Mais de peur qu’on ne m’accuſe d’opiner ſur la personne & non ſur la choſe, mon avis eſt que désormais on ne déifie plus aucun de ceux qui broutent l’herbe des champs ou qui vivent des fruits de la terre. Que ſi malgré ce ſénatus-conſulte quelqu’un d’eux s’ingere à l’avenir de trancher du Dieu, ſoit de fait, ſoit en peinture, je le dévoue aux larves, & j’opine qu’à la premiere foire ſa déité reçoive les étrivieres & ſoit miſe en vente avec les nouveaux eſclaves.

Après cela vint le tour du divin fils de Vica-Pota déſigné conſul grippe-ſou & qui gagnoit ſa vie à grimeliner & vendre les petites villes. Hercule paſſant donc à celui-ci lui toucha galamment l’oreille & il opina dans ces termes : attendu que le divin Claude eſt du ſang du divin Auguſte & du sang de la divine Livie ſon ayeule, a laquelle il a même confirmé ſon brevet de déeſſe ; qu’il eſt d’ailleurs un prodige de ſcience & que le bien public exige un adjoint à l’écot de Romulus ; j’opine qu’il ſoit dès ce jour créé & proclamé Dieu en auſſi bonne forme qu’il s’en ſoit jamais fait, & que cet événement ſoit ajouté aux métamorphoſes d’Ovide.

  1. Je ne ſaurois me perſuader qu’il n’y ait pas encore une lacune entre ces mots ; Olim, inquit, magna res erat Deum fieri : & ceux-ci, jam fama nimium feciſti. Je n’y vois ni liaiſon ni tranſition, ni aucune eſpece de ſens à les lire ainſi de ſuite.