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Philoſophes s’accorderont mieux que les horloges[1] Quoi qu’il en ſoit, ſuppoſons qu’il étoit entre ſix & ſept, & puiſque non contens d’écrire le commencement & la fin du jour, les Poëtes, plus actifs que des manœuvres, n’en peuvent laiſſer en paix le milieu ; voici comment dans leur langue j’exprimerois cette heure fortunée.

Déjà du haut des Cieux le Dieu de la lumiere
Avoit en deux moitiés partagé l’hémiſphere,
Et preſſant de la main ſes Courſiers déjà las,
Vers l’heſpérique bord accéléroit leurs pas.

Quand Mercure que la folie de Claude avoit toujours amuſé, voyant ſon ame obſtruée de toutes parts chercher vainement une iſſue, prit à part une des trois Parques, & lui dit : comment une femme a-t-elle assez de cruauté pour voir un miſérable dans des tourmens si longs & ſi peu mérités ? Voilà bientôt ſoixante-quatre ans qu’il eſt en querelle avec ſon ame. Qu’attends-tu donc encore ? ſouffre que les aſtrologues, qui depuis ſon avénement annoncent tous les ans & tous les mois ſon trépas, diſent vrai du moins une fois. Ce n’eſt pas merveille, j’en conviens, s’ils ſe trompent en cette occaſion : car qui trouva jamais ſon heure, & qui ſait comment il peut rendre l’eſprit ? Mais n’importe ; fais toujours ta charge, qu’il meure & céde l’Empire au plus digne.

  1. La mort de Claude fut long-tems cachée au Peuple, juſqu’à ce qu’Agrippine eût pris ſes meſures pour ôter l’Empire à Britannicus & l’aſſurer à Néron. Ce qui fit que le Public n’en ſavoit exactement ni le jour ni l’heure.