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propres, troupes, l’Italie dévaſtée, les Provinces ruinées, Pharſale, Philippes, Perouſe, & Modene, ces noms célebres par la déſolation publique revenoient ſans ceſſe à la bouche. Le monde avoit été preſque bouleverſé quand des hommes dignes du ſouverain pouvoir ſe le diſputerent. Jules & Auguſte vainqueurs avoient ſoutenu l’Empire ; Pompée & Brutus euſſent relevé la République ; mais étoit-ce pour Vitellius ou pour Othon qu’il faloit invoquer les Dieux, & quelque parti qu’on prît entre de tels compétiteurs, comment éviter de faire des vœux impies & des prieres ſacrileges quand l’événement de la guerre ne pouvoit dans le vainqueur montrer que le plus méchant ? Il y en avoit qui ſongeoient à Veſpaſien & à l’armée d’Orient ; mais quoiqu’ils préféraſſent Veſpaſien aux deux autres, ils ne laiſſoient pas de craindre cette nouvelle guerre comme une ſource de nouveaux malheurs ; outre que la réputation de Veſpaſien étoit encore équivoque ; car il eſt le ſeul parmi tant de Princes que le rang ſuprême ait changé en mieux.

Il faut maintenant expoſer l’origine & les cauſes des mouvement de Vitellius. Après la défaite & la mort de Vindex, l’armée, qu’une victoire ſans danger & ſans peine venoit d’enrichir, fiere de ſa gloire & de ſon butin & préférant le pillage à la paye ne cherchoit que guerres & que combats. Long-tems le ſervice avoit été infructueux & dur, ſoit par la rigueur du climat & des ſaiſons, ſoit par la ſévérité de la discipline, toujours inflexible durant la paix, mais que les flatteries des ſéducteurs & l’impunité des traîtres éner-