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Déjà Piſon, effrayé du frémiſſement de la ſédition croiſſante & du bruit des clameurs qui retentiſſoit jusques dans la Ville, s’étoit mis à la ſuite de Galba qui s’acheminoit vers la place : déjà, ſur les mauvaiſes nouvelles apportées par Celſus, les uns parloient de retourner au Palais, d’autres d’aller au Capitole, le plus grand nombre d’occuper les roſtres. Plusieurs ſe contentoient de contredire l’avis des autres, &, comme il arrive dans les mauvais ſuccès, le parti qu’il n’étoit plus tems de prendre, ſembloit alors le meilleur. On dit que Lacon méditoit à l’inſu de Galba de faire tuer Vinius ; ſoit qu’il eſpérât adoucir les ſoldats par ce châtiment, ſoit qu’il le crût complice d’Othon, ſoit enfin par un mouvement de haine. Mais le tems & le lieu l’ayant fait balancer par la crainte de ne pouvoir plus arrêter le ſang après avoir commencé d’en répandre, l’effroi des ſurvenans, la diſperſion du cortege, & le trouble de ceux qui étoient d’abord montrés ſi pleins de zele & d’ardeur, acheverent de l’en détourner.

Cependant entraîné çà & là, Galba cédoit à l’impulſion des flots de la multitude, qui, rempliſſant de toutes parts les Temples & les Baſiliques, n’offroit qu’un aſpect lugubre. Le Peuple & les Citoyens, l’air morne & l’oreille attentive, ne pouſſoient point de cris : il ne régnoit ni tranquillité ni tumulte, mais un ſilence qui marquoit à la fois la frayeur & l’indignation. On dit pourtant à Othon que le Peuple prenoit les armes, ſur quoi il ordonna de forcer les paſſages & d’occuper les poſtes importans. Alors, comme s’il eût été queſtion, non de maſſacre dans leur Prince un vieillard déſarmé, mais de rerverſer Pacore