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trailles lui dénonça d’actuelles embûches & un ennemi domeſtique, tandis qu’Othon qui étoit préſent, se réjouiſſoit de ces mauvais augures & les interprétoit favorablement pour ſes deſſeins. Un moment après, Onomaſtus vint lui dire que l’Architecte & les Experts l’attendoient ; mot convenu pour lui annoncer l’aſſemblée des ſoldats & les apprêts de la conjuration. Othon fit croire à ceux qui demandoient où il alloit, que, prêt d’acheter une vieille maiſon de campagne, il vouloit auparavant la faire examiner ; puis, ſuivant l’affranchi à travers le Palais de Tibere au Vélabre, & de-là vers la colonne dorée ſous le Temple de Saturne, il fut ſalué Empereur par vingt-trois ſoldats, qui le placerent auſſi-tôt ſur une Chaire curule tout conſterné de leur petit nombre, & l’environnerent l’épée à la main. Chemin faiſant, ils furent joints par un nombre à-peu-près égal de leurs camarades. Les uns inſtruits du complot, l’accompagnoient à grands cris avec leurs armes, d’autres frappés du ſpectacle ſe diſpoſoient en ſilence à prendre conſeil de l’événement.

Le Tribun Martialis qui étoit de garde au Camp, effrayé d’une ſi prompte & si grande entrepriſe, ou craignant que la ſédition n’eût gagné ses soldats & qu’il ne fût tué en s’y oppoſant, fut soupçonné par pluſieurs d’en être complice. Tous les autres Tribuns & Centurions préférerent auſſi le parti le plus sûr au plus honnête. Enfin tel sut l’état des eſprits qu’un petit nombre ayant entrepris un forfait déteſtable, pluſieurs l’approuverent & tous le ſouffrirent.