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de cas des Sciences, je n’apperçois pas l’avantage qui lui reviendra d’ôter à l’une de ces choses l’honneur d’avoir produit l’autre. Mais examinons ses preuves : elles se réduisent à ceci. On ne voit point que les Savans soient plus polis que les autres hommes ; au contraire, ils le sont souvent beaucoup moins ; donc notre politesse n’est pas l’ouvrage des Sciences.

Je remarquerai d’abord qu’il s’agit moins ici de Sciences que de Littérature, de beaux Arts & d’ouvrages de goût ; & nos beaux esprits, aussi. peu Savans qu’on voudra, mais si polis, si répandus, si brillans, si petits-maîtres, se reconnoîtront difficilement à l’air maussade & perdantes que que l’Auteur de la Réponse leur vent donner. Mais passons-lui cet antécédent ; accordons, s’il le faut, que les Savans, les Poetes & les beaux esprits sont tous également ridicules ; que Messieurs de l’Académie des Belles-Lettres, Messieurs de l’Académie des Sciences, Messieurs de l’ Académie Françoise, sont des gens grossiers, qui ne connoissent ni le ton, ni les usages du monde & exclus par etat de la borne compagnie ; l’Auteur gagnera peu de chose à cela, & n’en sera pas plus en, droit de nier que la politesse & l’urbanité qui régnant parmi nous soient l’effet du bon goût, puise d’abord chez les anciens & répandu parmi les peuples de l’Europe par les Livres agréables qu’on y publie de toutes parts.*

[*Quand il est question d’objets aussi généraux que les mœurs & les manieres d’un peuple, il faut prendre garde de ne pas toujours rétrécir ses vues, sur des exemples particuliers. Ce seroit le moyen de ne jamais appercevoir les sources des choses. Pour savoir si j’ai raison d’attribuer la politesse à la culture des Lettres, il ne faut pas chercher si un Savant ou un autre sont des gens polis ; mais il faut examiner les rapports qui peuvent être entre la littérature & la politesse, & voir ensuite quels sont les peuples chez lesquels ces choses se sont trouvées réunies ou séparées. J’en dis autant du luxe, de la liberté, & de routes les autres choses qui influent sur les mœurs d’une Nation, & sur lesquelles j’entends faire chaque jour tant de pitoyables raisonnemens : examiner tout cela en petit & sur quelques individus, ce n’est pas Philosopher, c’est perdre son tems & ses réflexions ; car on peut connoître à fond Pierre ou Jaques, & avoir fait très-peu de progrès dans la connoissance des hommes.] Comme les meilleurs maîtres à danser ne sont pas. toujours les gens qui se présentent le mieux, ou