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Pourquoi serois-je un hypocrite ? & que gagnerois-je à l’être ? J’ai attaqué tous les intérêts particuliers, j’ai suscité contre moi tous les partis, je n’ai soutenu que la cause de Dieu & de l’humanité ; & qui est-ce qui s’en soucie ? Ce que j’en ai dit n’a pas même fait la moindre sensation ; & pas une ame ne m’en a su gré. Si je me fusse ouvertement déclaré pour l’athéisme, les dévots ne m’auroient pas fait pis, & d’autres ennemis non moins dangereux ne me porteroient point leurs coups en secret. Si je me fusse ouvertement déclaré pour l’athéisme, les uns m’eussent attaqué avec plus de réserve en me voyant défendu par les autres, & disposé moi-même à la vengeance : mais un homme qui craint Dieu n’est guères à craindre ;son parti n’est pas redoutable, il est seul ou à peu près, & l’on est sûr de pouvoir lui faire beaucoup de mal avant qu’il songe à le rendre. Si je me fusse ouvertement déclaré pour l’athéisme, en me séparant ainsi de l’Eglise, j’aurois ôté tout d’un coup à ses Ministres le moyen de me harceler sans cesse, & de me faire endurer toutes leurs petites tyrannies ; je n’aurois point essuyé tant d’ineptes censures : & au-lieu de me blâmer si aigrement d’avoir écrit, il eût fallu me réfuter, ce qui n’est pas tout-à-fait si facile. Enfin si je me fusse ouvertement déclaré pour l’athéisme, on eût d’abord un peu clabaudé ; mais on m’eût bientôt laissé en paix comme tous les autres : le peuple du Seigneur n’eût point pris inspection sur moi, chacun n’eût point cru me faire grace en ne me traitant pas en excommunié ; & j’eusse été quitte-à-quitte avec tout le monde : les saintes, en Israël, ne m’auroient point écrit des Lettres