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fiers, querelleurs entr’eux ; ils n’avoient point de frisure à conserver ; ils se défioient à la lutte, à la course, aux coups ; ils se battoient à bon escient, se blessoient quelquefois, & puis s’embrassoient en pleurant. Ils revenoient au logis suans, essouffles, déchires, c’etoient de vrais polissons ; mais ces poussons ont fait des hommes qui ont dans le cœur du zele pour servir la patrie, & du sang à verser pour elle. Plaise à Dieu qu’on en puisse dire autant un jour de nos beaux petits Messieurs requinques, & que ces hommes de quinze ans ne soient pas des enfans à trente !

Heureusement ils ne sont point tous ainsi. Le plus grand nombre encore à garde cette antique rudesse, conservatrice de la bonne constitution ainsi que des bonnes mœurs. Ceux même qu’une éducation trop délicate amollit pour un tems, seront contraints étant grands de se plier aux habitudes de leurs compatriotes. Les uns perdront leur âpreté dans le commerce du monde ; les autres gagneront des forces en les exerçant ; tous deviendront, je l’espere, ce que furent leurs ancêtres ou du moins ce que leurs peres sont aujourd’hui. Mais ne nous flattons pas de conserver notre liberté en renonçant aux mœurs qui nous l’ont acquise.

Je reviens à nos Comédies & toujours en leur supposant un succès qui me paroit impossible, je trouve que ce succès attaquera notre constitution, non-seulement d’une maniere indirecte en attaquant nos mœurs, mais immédiatement en rompant l’équilibre qui doit régner entre les diverses parties de l’Etat, pour conserver le corps entier dans son assiette.

Parmi plusieurs raisons que j’en pourrois donner, je me