Supposé qu’il y ait un principe éternel & unique des choses ; ce principe étant simple dans son essence n’est pas composé de matiere & d’esprit, mais il est matiere ou esprit seulement. Sur les raisons déduites parle Vicaire, il ne sauroit concevoir que ce principe soit matiere ; & s’il est esprit, il ne sauroit concevoir que par lui la matiere ait reçu l’être : car il faudroit pour cela concevoir la création ; or, l’idée de création, l’idée sous laquelle on conçoit que par un simple acte de volonté rien devient quelque chose, est, de toutes les idées qui ne sont pas clairement contradictoires, la moins compréhensible à l’esprit humain.
Arrêté des deux côtés par ces difficultés, le bon Prêtre demeure indécis, & ne se tourmente point d’un doute de pure spéculation, qui n’influe en aucune maniere sur ses devoirs en ce monde : car enfin que m’importe d’expliquer l’origine des êtres, pourvu que je sache comment ils subsistent, quelle place j’y dois remplir, & en vertu de quoi cette obligation m’est imposée ?
Mais supposer deux principes*
[*Celui qui ne connoit que deux substances, ne peut non plus imaginer que deux principes, & le terme, ou plusieurs, ajouté dans l’endroit cité, n’est la qu’une espece d’explétif, servant tout-au-plus à faire en tendre que le nombre de ces principes n’importe pas plus à connoître que leur nature.] des choses, supposition que pourtant le Vicaire ne fait point, ce n’est pas pour cela supposer deux Dieux ; à moins que, comme les manichéens, on ne suppose aussi ces principes tous deux actifs ; doctrine absolument contraire à celle du Vicaire, qui,