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aucune assemblée commune pour les deux sexes ; ils ne passoient point la journée ensemble. Ce soin de ne pas se rassasier, les uns des autres faisoit qu’on s’en revoyoit avec plus de plaisir ; il est sur qu’en général la paix domestique étoit mieux affermie, & qu’il régnoit plus d’union entre les epoux *

[*On en pourroit attribuer la cause à la facilite du divorce ; mais les Grecs en faisoient peu d’usage, & Rome subsista cinq cents ans avant que personne s’y prévalut de la loi qui le permettoit.] qu’il n’en regne aujourd’hui.

Tels etoient les usages des Perses, des Grecs, des Romains, & même des Egyptiens, malgré les mauvaises plaisanteries d’Herodote qui se réfutent d’elles-mêmes. Si quelquefois les femmes sortoient des bornes de cette modestie, le cri public montroit que c’étoit une exception. Que n’a-ton pas dit de la liberté du sexe à Sparte ? On peut comprendre aussi par la Lisistratad’Aristophane, combien l’impudence des Athéniennes étoit choquante aux yeux des Grecs ; & dans Rome déjà corrompue, avec quel scandale ne vit-on point encore les Dames Romaines se présenter au Tribunal des Triumvirs ?

Tout est change. Depuis que des foules de barbares, traînant avec eux leurs femmes dans leurs armées, eurent inonde l’Europe ; la licence des camps, jointe à la froideur naturelle des climats septentrionaux, qui rend la réserve moins nécessaire, introduisit une autre maniere de vivre que favoriserent les livres de chevalerie, où les belles Dames passoient leur vie à se faire enlever par des hommes, en tout bien & en tout honneur. Comme ces livres etoient les écoles