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pour ôter au public une idée assez difficile à détruire & qui seule annulle toute leur autorité, savoir que, dans les affaires qui passent par devant eux, ils jugent moins sur leur propre sentiment que sur la volonté du Prince. Alors il n’y avoit point de honte à leur demander le combat dans une occasion nécessaire ; il n’y en avoit pas même a s’en abstenir, quand les raisons de l’accorder n’étoient pas jugées suffisantes ; mais il y en aura toujours à leur dire : je suis offense, faites en sorte que je sois dispense de me battre.

Par ce moyen, tous les appels secrets seroient infailliblement tombes dans le décri, quand, l’honneur offense pouvant le défendre & le courage le montrer au champ d’honneur, on eut très-justement suspecte ceux qui le caches pour le battre, & quand ceux que la Cour-d’honneur eut juge s’être mal *

[* Mal, c’est-à-dire, non-seulement en lâche & avec fraude, mais injustement & sans raison suffisante ; ce qui se fut naturellement présume de toute affaire non portée au Tribunal.] battus, seroient, en qualité, de vils assassins, restés soumis aux Tribunaux criminels. Je conviens que plusieurs duels n’étant juges qu’après coup, & d’autres même étant solemnellement autorises, il en auroit d’abord coûte la vie à quelques braves gens ; mais c’eût été pour la sauver dans la suite a. des infinités d’autres, au lieu que, du sang qui le verse malgré les édits, naît une raison d’en verser davantage.

Que seroit-il arrive dans la suite ? À mesure que la Cour d’honneur auroit acquis de l’autorité sur l’opinion du Peuple ; par la sagesse & le poids de les décisions, elle l’seroit de devenue