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décide, prononce, assigne aux talens, au mérite, aux vertus, leurs degrés & leurs places ; & dont les humbles savans mendient le plus bassement la faveur. Sur la Scene, c’est pis encore. Au fond, dans le monde elles ne savent rien, quoiqu’elles jugent de tout, mais au Théâtre, savantes du savoir des hommes, philosophes, grace aux Auteurs, elles écrasent notre sexe de ses propres talens, & les imbéciles Spectateurs vont bonnement apprendre des femmes ce qu’ils ont pris soin de leur dicter. Tout cela, dans le vrai ; c’est se moquer d’elles, c’est les taxer d’une vanité puérile ; & je ne doute pas que les plus sages n’en soient indignées. Parcourez la plupart des Pieces modernes : c’est toujours une femme qui sait tout, qui apprend tout ; hommes ; c’est toujours la Dame de Cour qui fait le Catéchisme au petit Jean de Sainte. Un enfant ne sauroit se nourrir de son pain, s’il n’est coupe par sa Gouvernante. Voilà l’image de ce qui se passe aux nouvelles Pieces. La Bonne est sur le Théâtre, & les enfans sont dans le Parterre. Encore une fois, je ne nie pas que cette méthode n’ait ses avantages, & que de tels précepteurs ne puissent donner du poids & du prix à leurs leçons ; mais revenons à ma question. De l’usage antique & du notre, je demande lequel est le plus honorable aux femmes, & rend le mieux à leur sexe les vrais respects qui lui sont dus ?

La même cause qui donne, dans nos Pieces tragique & comiques, l’ascendant aux femmes sur les hommes, le donne encore aux jeunes gens sur les vieillards ; & c’est un autre renversement ces rapports naturels, qui n’est pas moins répréhensible