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son époux ? Que penser d’une Pièce où le Parterre applaudit à l’infidélité, au mensonge, à l’impudence de celle-ci, et rit de la bêtise du Manant puni ? C’est un grand vice d’être avare et de prêter à usure ; mais n’en est-ce pas un plus grand encore à un fils de voler son père, de lui manquer de respect, de lui faire mille insultants reproches, et, quand ce père irrité lui donne sa malédiction, de répondre d’un air goguenard qu’il n’a que faire de ses dons ? Si la plaisanterie est excellente, en est-elle moins punissable ; et la Pièce où l’on fait aimer le fils insolent qui l’a faite, en est-elle moins une école de mauvaises mœurs ?

Je ne m’arrêterai point à parler des Valets. Ils sont condamnes par tout le monde ;*

[*Je ne décide pas s’il faut en effet les condamner. Il se peut que les Valets ne soient plus que les instrumens des méchancetés des maîtres, depuis que ceux-ci leur ont ôte l’honneur de l’invention. Cependant je douterois qu’en ceci l’image trop naÏve de la Société fut bonne au théâtre. Suppose qu’il faille quelques fourberies dans les Pieces, je ne sais s’il ne vaudroit pas mieux que les Valets seuls en fussent charges & que les honnêtes gens fussent aussi des gens honnêtes, au moins sur la Scene.] & il seroit d’autant moins juste d’imputer à Moliere les erreurs de ses modeles & de son siecle qu’il s’en est corrige lui-même. Ne nous prévalons, ni des irrégularités qui peuvent se trouver dans les ouvrages de sa jeunesse, ni de ce qu’il y a de moins bien dans ses autres Pieces, & passions tout d’un coup à celle qu’on reconnoît unanimement pour son chef- d’œuvre : je veux dire, le M

[i] santhrope.

Je trouve que cette Comédie nous découvre mieux qu’aucune autre la véritable vue dans laquelle Moliere à compose