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au milieu d’eux. Cette action fut remarquée de tout le Spectacle & applaudie d’un battement de mains universel. Eh, que de maux ! s’écria le bon Vieillard, d’un ton de douleur, les Athéniens savent ce qui est honnête, mais les Lacédémoniens le pratiquent. Voilà la philosophie moderne & les mœurs anciennes.

Je reviens à mon sujet. Qu’apprend-on dans Phedre & dans Oedipe, sinon que l’homme n’est pas libre, & qui le Ciel punit des crimes qu’il lui fait commettre Qu’apprend-on dans Médée, si ce n’est jusqu’où la fureur de la jalousie peut rendre une mere cruelle & dénaturée ? Suivez la plupart des Pieces du Théâtre François : vous trouverez presque dans toutes des monstres abominables & des actions atroces, utiles, si l’on veut, à donner de l’intérêt aux Pieces & de l’exercice aux vertus, mais dangereuses certainement, en ce qu’elles accoutument les yeux du peuple a des horreurs qu’il ne devroit pas même connoître & à des forfaits qu’il ne devroit pas supposer possibles. II n’est pas même vrai que le meurtre & le parricide y soient toujours odieux à la faveur de je ne fais quelles commodes suppositions, on les rend permis, ou pardonnables. On a peine à ne pas excuser Phedre incestueuse & versant le sang innocent. Syphax empoisonnant sa femme, le jeune Horace poignardant sa sœur, Agamemnon immolant sa fille, Oreste égorgeant sa mere, ne laissent pas d’être des personnages intéressans. Ajoutez que l’Auteur, pour faire parler chacun selon son caractere, est force de mettre dans la bouche des méchans leurs maximes & leur principes, revêtus de tout l’éclat des beaux vers, & débites d’un