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vertus.dans la Tragédie ;.le comique & le plaisant dans la Comédie ; & toujours l’amour dans toutes deux.*

[* Les Grecs n’avoient pas besoin de fonder sur l’amour le principal intérêt de leur tragédie, & ne l’y fondoient pas, en effet. La notre, qui n’a pas la même ressource, ne sauroit se passer de cet intérêt. On verra dans la suite la raison de cette différence.] Je demande quel profit les mœurs peuvent tirer de tout cela ?

On me dira que dans ces Pieces le crime est toujours puni, & la vertu toujours récompensée. Je réponds que, quand cela seroit, la plupart des actions tragiques, n’étant que de pures fables, des événemens qu’on fait être de l’invention du Poete, ne sont pas une grande impression sur les Spectateurs ; à force de leur montrer qu’on veut les instruire, on ne les instruit plus. Je réponds encore que ces punitions & ces récompenses s’operent toujours par des moyens si peu communs, qu’on n’attend rien de pareil dans le cours naturel des choses humaines. Enfin je réponds en niant le fait. Il n’est, ni ne peut être généralement vrai : car cet objet, n’étant point celui sur lequel les Auteurs dirigent leurs Pieces, ils doivent rarement l’atteindre, & souvent il seroit obstacle un obstacle au succès. Vice ou vertu, qu’.importe, pourvu qu’on en impose par un air de grandeur Aussi la Scene Françoise, sans contredit la plus parfaite, ou du moins la plus réguliere qui ait encore existe, n’est-elle pas moins le triomphe des grands scélérats que des plus illustres héros : témoin Catilina, Mahomet, Atrée, & beaucoup d’autres.

Je comprends bien qu’il ne faut pas toujours regarder à la catastrophe pour juger de l’effet moral d’une Tragédie