de la turbulente jeunesse, de l’opulence insolente, & de l’indigence vénale ; nul salutaire conseil ne peut venir de ces côtés-là. Consultez ceux qu’une honnête médiocrité garantit des séductions de l’ambition & de la misère ; ceux dont une honorable vieillesse couronne une vie sans reproche ; ceux qu’une longue expérience a versés dans les affaires publiques ; ceux qui, sans ambition dans l’État, n’y veulent d’autre rang que celui de Citoyens ; enfin ceux qui, n’ayant jamais eu pour objet dans leurs démarches que le bien de la Patrie & le maintien des Loix, ont mérité par leurs vertus l’estime du public, & la confiance de leurs égaux.
Mais sur-tout réunissez-vous tous. Vous êtes perdus sans ressource si vous restez divisés. & pourquoi le seriez-vous, quand de si grands intérêts communs vous unissent ? Comment, dans un pareil danger, la basse jalousie & les petites passions osent-elles se faire entendre ? Valent-elles qu’on les contente à si haut prix, & faudra-t-il que vos enfans disent un jour en pleurant sur leurs fers ; voilà le fruit des dissensions de nos pères ? En un mot il s’agit moins ici de délibération que de concorde ; le choix du parti que vous prendrez n’est pas la plus grande affaire. Fût-il mauvais en lui-même prenez-le tous ensemble ; par cela seul il deviendra le meilleur, & vous ferez toujours ce qu’il faut faire pourvu que vous le fassiez de concert. Voilà mon avis, Monsieur, & je finis par où j’ai commencé. En vous obéissant, j’ai rempli mon dernier devoir envers la Patrie. Maintenant je prends congé de ceux qui l’habitent ; il ne leur reste aucun mal à me faire, & je ne puis plus leur faire aucun bien.