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son empire ; car l’ambition comme l’avarice se nourrit de ses avantages, & plus on étend sa puissance, plus on est dévoré du désir de tout pouvoir. Sans cesse attentif à marquer des distances trop peu sensibles dans ses égaux de naissance, il ne voit en eux que ses inférieurs, & brûle d’y voir ses sujets. Armé de toute la force publique, dépositaire de toute l’autorité, interprète & dispensateur des Loix, qui le gênent, il s’en fait une arme offensive & défensive, qui le rend redoutable, respectable, sacré pour tous ceux qu’il veut outrager. C’est au nom même de la Loi qu’il peut la transgresser impunément Il peut attaquer la constitution en feignant de la défendre ; il peut punir comme un rebelle quiconque ose la défendre en effet. Toutes les entreprises de ce Corps lui deviennent faciles ; il ne laisse à personne le droit de les arrêter ni d’en connoître : il peut agir, différer, suspendre ; il peut séduire, effrayer, punir ceux qui lui résistent ; & s’il daigne employer pour cela des prétextes, c’est plus par bienséance que par nécessité. Il a donc la volonté d’étendre sa puissance, & le moyen de parvenir à. tout ce qu’il veut. Tel est l’état relatif du petit Conseil & de la Bourgeoisie de Geneve. Lequel de ces deux Corps doit avoir le pouvoir négatif pour arrêter les entreprises de l’autre ? L’Auteur des Lettres assure que c’est le premier.

Dans la plupart des Etats les troubles internes viennent d’une populace abrutie & stupide, échauffée d’abord par d’insupportables vexations, puis ameutée en secret par des brouillons adroits, revêtus de quelque autorité qu’ils veulent étendre. Mais est-il rien de plus faux qu’une pareille idée appliquée