Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/350

Cette page n’a pas encore été corrigée

droit d’opposer de la résistance ; dans la liberté commune, nul n’a droit de faire ce que la liberté d’un autre lui interdit, & la vraie liberté n’est jamais destructive d’elle-même. Ainsi la liberté sans la justice est une véritable contradiction ; car, comme qu’on s’y prenne, tout gêne dans l’exécution d’une volonté désordonnée.

Il n’y a donc point de liberté sans Loix, ni où quelqu’un est au-dessus des Loix : dans l’état même de nature l’homme n’est libre qu’à la faveur de la Loi naturelle qui commande à tous. Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas ; il a des chefs, & non pas des maîtres ; il obéit aux Loix, mais il n’obéit qu’aux Loix, & c’est par la force des Loix qu’il n’obéit pas aux hommes. Toutes les barrières qu’on donne dans les Républiques au pouvoir des Magistrats, ne sont établies que pour garantir de leurs atteintes l’enceinte sacrée des Loix : ils en sont les Ministres, non les arbitres ; ils doivent les garder, non les enfreindre. Un peuple est libre, quelque forme qu’ait son Gouvernement, quand, dans celui qui le gouverne, il ne voit point l’homme, mais l’organe de la Loi. En un mot, la liberté suit toujours le sort des Loix, elle règne ou périt avec elles ; je ne sache rien de plus certain.

Vous avez des Loix bonnes & sages, soit en elles-mêmes, soit par cela seul que ce sont des Loix. Toute condition imposée à chacun par tous ne peut être onéreuse à personne, & la pire des Loix vaut encore mieux que le meilleur maître ; car tout maître a des préférences, & la Loi n’en a jamais.

Depuis que la Constitution de votre Etat a pris une forme fixe & stable, vos fonctions de Législateur sont finies. La