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de ses membres ; j’ai réfuté les principes différens du mien.

Indépendamment de la vérité de ce principe, il l’emporte sur tous les autres par la solidité du fondement qu’il établit ; car quel fondement plus sûr peut avoir l’obligation parmi les hommes, que le libre engagement de celui qui s’oblige ? On peut disputer tout autre principe ;*

[* Même celui de la volonté de Dieu, du moins quant à l’application. Car, bien qu’il soit clair que, ce que Dieu veut, l’homme doit le vouloir, il n’est pas clair que Dieu veuille qu’on préfère tel Gouvernement à tel autre, ni qu’on obéisse à Jacques plutôt qu’à Guillaume. Or, voilà de quoi il s’agit] on ne sauroit disputer celui-là.

Mais par cette condition de la liberté, qui en renferme d’autres, toutes sortes d’engagemens ne sont pas valides, même devant les Tribunaux humains. Ainsi, pour déterminer celui-ci, l’on doit en expliquer la nature ; on doit en trouver l’usage & la fin ; on doit prouver qu’il est convenable à des hommes, & qu’il n’a rien de contraire aux Loix naturelles. Car il n’est pas plus permis d’enfreindre les Loix naturelles par le Contrat social, qu’il n’est permis d’enfreindre les Loix positives par les contrats des particuliers ; & ce n’est que par ces Loix mêmes qu’existe la liberté qui donne force à l’engagement.

J’ai pour résultat de cet examen, que l’établissement du Contrat social est un pacte d’une espèce particulière, par lequel chacun s’engage envers tous ; d’où s’ensuit l’engagement réciproque de tous envers chacun, qui est l’objet immédiat de l’union.

Je dis que cet engagement est d’une espèce particulière,