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chercher comment il faudroit s’y prendre pour les empêcher de devenir tels, que j’ai consacré mon Livre. Je n’ai pas affirmé que dans l’ordre actuel la chose fût absolument possible ; mais j’ai bien affirmé & j’affirme encore, qu’il n’y a pour en venir à bout d’autres moyens que ceux que j’ai proposés.

Là-dessus vous dites que mon plan d’éducation, loin de s’accorder avec le Christianisme, n’est pas même propre à faire des Citoyens ni des hommes ;*

[*Mandement, III. [Ce Mandement de Monseigner l’Archevêque de Paris, sera imprimé, avec l’Arrêt du Parlement sur Emile, dans le premier volume du Supplément.]]

& votre unique preuve est de m’opposer le péché originel. Monseigneur, il n’y a d’autre moyen de se délivrer du péché originel & de ses effets, que le baptême. D’où il suivroit, selon vous, qu’il n’y auroit jamais eu de Citoyens ni d’hommes que des Chrétiens. Ou niez cette conséquence, ou convenez que vous avez trop prouvé.

Vous tirez vos preuves de si haut que vous me forcez d’aller aussi chercher loin mes réponses. D’abord il s’en faut bien, selon moi, que cette doctrine du péché originel, sujette à des difficultés si terribles, ne soit contenue dans l’Ecriture, ni si clairement ni si durement qu’il a plu au rhéteur Augustin & à nos Théologiens de la bâtir ; & le moyen de concevoir que Dieu crée tant d’ames innocentes & pures, tout exprès pour les joindre à des corps coupables, pour leur y faire contracter la corruption morale, & pour les condamner toutes à l’enfer, sans autre crime que cette union qui est son ouvrage ? Je ne dirai pas si (comme vous vous